Chaussures et souliers en cuir (pour homme)

Choix, achat, entretien, glaçage et patine


Les informations sur cette page proviennent d'une pincée d'expérience personnelle, mais surtout de discussions avec des experts et autres amateurs de beaux souliers que l'on pourra retrouver sur le forum répondant au doux nom de Depiedencap
(Méfiez-vous des pâles imitations, du style http://depiedencap.forum.eu ;-).
Date de dernière modification de cette page au format américain (mois/jour/année) :

Le but de cette page est double. Il s'agit tout d'abord de concentrer en un seul endroit à la fois des informations essentielles pour acheter de beaux souliers, mais aussi pour bien les entretenir.

Attention : les informations ci-dessous datent de 2006 : les choses ont pu changer depuis !

Les informations sur les chaussures de qualité sont difficiles à trouver, alors qu'il suffit de creuser un peu pour s'apercevoir qu'il n'y a rien de bien sorcier derrière tout ça. Le bon prix, pour de belles chaussures de ville en prêt à chausser, c'est entre 200 et 500 euros, pour lesquels on peut trouver de belles peausseries (durables et ne marquant pas trop) avec un montage Goodyear (semelle débordant un peu et avec couture de trépointe visible, mais beaucoup plus solide et durable que du montage Rapide/Blake, notamment). Pour ce prix, on trouvera (dans l'ordre alphabétique, liste non exhaustive) des Altan (belles patines, formes modernes), Bowen (surtout pour leur superbe derby One Cut), Carmina (entendu que du bien), Crockett & Jones (généralement de très bonne qualité en regard du prix), Donegan, Emling, Finsbury, Hardrige (bon rapport qualité prix, surtout pour le cousu norvégien, costaud), Heschung (pareil que Hardrige, anciennement Trappeur, et récemment délocalisés en Hongrie), Malinge (bonne qualité), Paraboot (un poil au dessus de Hardrige/Heschung en qualité ?), Santoni, Shipton, Stefanobi, ... avec (mais c'est un avis personnel à prendre comme tel) une préférence certaine pour Crocket & Jones, et Paraboot / Hardrige / Heschung (modèle Gingko) pour du plus costaud... Attention aux marques italiennes si vous habitez dans une région humide... la tannerie des cuirs laisse quelques fois à désirer, avec des cuirs qui cloquent ou durcissent suite à des averses.

Dans la gamme de prix (mais pas forcément de qualité) au dessus, on trouvera Aubercy, Church's (mais je pense qu'il n'est un secret pour personne que depuis leur rachat par Prada, la qualité de la finition et de la peausserie a beaucoup baissé, contrairement aux prix), Weston (aussi une baisse générale de qualité ces dernières années et plus récemment sur la qualité du cuir des semelles, qui s'usent très vite, mais certains modèles restent incontournables, comme les Chasse).

Et enfin, pour ce qui se fait de mieux (mais pour un prix se rapprochant tout de même des 1000 euros en prêt à chausser), on trouve Pierre Corthay, Edward Green, et John Lobb (pour ces trois marques, qualité des peausseries et de la finition absolument irréprochable). À noter que pour ceux qui peuvent se déplacer à Budapest, Vass est largement du niveau de Corthay, Green ou Lobb (si ce n'est même beaucoup mieux car apparemment, leur montage en Prêt À Chausser est cousu main alors que c'est du cousu machine pour les 3 autres marques), mais pour la moitié du prix environ, ce qui finance largement le voyage en compagnie low-cost notamment.

La tendance actuelle est à la baisse de qualité et à la hausse des prix, surtout pour les marques rachetées par des grands groupes de luxe, qui vendent le nom sans que la qualité ne soit au rendez-vous. L'un des buts de l'écriture de cette page est de lutter contre cette tendance, en informant les clients potentiels pour qu'ils sachent mieux choisir et ne pas encourager à vendre n'importe quoi pour des prix délirants. Je n'ai pas cité dans cette liste les marques / fabricants ne faisant pas de cousu Goodyear. C'est un choix personnel car je pense qu'il y a une réelle différence de qualité entre un montage Goodyear (avec trépointe et mur sur la première de montage, et "rempli" en liège+colle pour épouser la forme de la plante du pied) et un montage Rapide (aussi appelé Blake, qui est un montage collé, auquel on a ajouté une couture de part en part pour ajouter de la solidité). Un ami appelle cela le "collé-ficelé." C'est une si belle description que je vais la reprendre dans cette page. Méfiez-vous, car "grande marque" n'est pas synonyme de qualité : beaucoup de grands groupes vendent pour près de 1000 euros des souliers absolument superbes, mais montés en collé-ficelé et avec un cuir de qualité inférieure.

Ces prix peuvent paraître excessifs au béotien, ... et ils le sont effectivement dans certains cas (notamment pour du collé-ficelé :-). Mais il sont justifiés lorsque la peausserie et le montage sont de grande qualité, garantissant une durée de vie d'au moins 10 à 15 ans pour du cousu Goodyear si les souliers sont correctement entretenus (cf. photos ci-dessous de Church's Belmont et Chetwynd d'avant le rachat par Prada de 11 ans d'âge, ou les souliers superbement entretenus d'Alexis Boniface). De plus, il faut savoir qu'on peut trouver certains de ces souliers en soldes (ce qui peut les ramener à un prix plus raisonnable).

N'hésitons pas à dire des évidences : une paire (bien entretenue) de chaussures à 300 euros ne revient qu'à... 30 euros par an si elle dure 10 ans (le minimum pour du cousu Goodyear). A cela, il faut ajouter le prix de l'entretien (crême + pâte, cf. ci-dessous) et les ressemelages ou changements de patins / fers éventuels. Je n'inclus pas ce coût dans le prix de la chaussure, car c'est un coût annuel fixe, quelque soit le nombre de chaussures (en moyenne, si vous marchez suffisamment pour avoir besoin d'un ressemelage par an, ce n'est pas parce-que vous possédez 10 paires de chaussures qu'il faudra ressemeler 10 fois par an !). C'est comme les pneus de voiture. Certains hésitent à acheter des pneus neige, sans se rendre compte qu'à part le prix de la pose et des jantes, l'utilisation de pneus neige est gratuite, car pendant qu'on use ses pneus neige, on n'use pas les pneus ordinaires !

Donc, hors ressemelage ou repatinage qui sont des frais fixes liés aux nombre de kilomètres que vous parcourez à pied par an, bien se chausser (compter 20 à 30 euros par an) revient beaucoup moins cher que d'acheter à 100 euros des chaussures qui ne durent que 2 ans (et parfois moins : je pense notamment à des chaussures "bateau" de marque connue que pendant de nombreuses années, j'ai acheté à bien plus de 100 euros et qui s'avachissaient au bout 2 mois, et dont les semelles bâillaient au bout d'un an ou deux faute d'être cousues).

De plus, vous prendrez aussi plus soin de la planète en ne rentrant pas dans le consumérisme ambiant. Vivent les vieilles voitures et les vieilles chaussures ! (Que ceux qui oseront dire que les vieilles voitures polluent plus essaient d'imaginer le nombre de TEP d'énergie fossile qu'il a fallu extraire de la planète pour en construire une nouvelle).

Quoi qu'il en soit, comme d'habitude, en achetant de la qualité, on en a pour son argent (mais encore faut-il savoir acheter et entretenir). Les souliers de qualité ne sont donc pas des choses jetables, mais au contraire de beaux objets que l'on porte pendant de nombreuses heures, qui se bonifient avec le temps (le bel âge, pour de beaux souliers, c'est une dizaine d'années) et qui durent souvent bien plus longtemps qu'une voiture moderne. Mais attention cela n'est valable qu'à la condition d'en prendre soin et de bien les entretenir. Voici donc une petite page à utiliser pour votre plaisir (mais bien sûr, sans garantie aucune de ma part ;-).


Derby Vass en cousu trépointe avec double semelle.
Pour un éclaté (animé, s'il vous plaît !), voir ici.

Un peu de vocabulaire

Bout dur et contreforts
En mesure, ce sont des morceaux de cuir rigide fixés à la colle de Vienne ou à la colle de cerf entre la tige et la doublure, à la pointe de la chaussure et au niveau des quartiers arrière. En Prêt À Porter (PAP), les bouts durs et contreforts sont thermocollés. Le bout et les contreforts d'une chaussure doivent être durs. Si l'on vous propose des chaussures dont le bout est mou, passez votre chemin.
Bonbout
Dernière épaisseur du talon (en cuir ou en caoutchouc ou en cuir avec un coin caoutchouc) en contact avec le sol.
Box calf
Cuir de veau tanné au chrome, avec un bel état de surface lisse qui sert à fabriquer les tiges.
Cambrion
Petite lame de cuir, de bois ou de métal placée au niveau de la cambrure du pied pour éviter que la chaussure ne s'affaisse.
Claquage
Il s'agit de la façon dont les quartiers viennent se rapporter sur l'empeigne. Dans le cas des richelieux, l'empeigne vient sur les quartiers. Dans le cas d'un Derby, l'empeigne vient sous les quartiers (les quartiers sont claqués sur l'empeigne).
Claque (ou empeigne)
Partie avant de la tige (sur le dessus du pied).
Couture petit point
Couture assemblant la trépointe à la semelle d'usure.
Couture de trépointe
Couture horizontale invisible assemblant la trépointe à la tige et au mur de la première de montage.
Crôute de cuir
Après la refente d'un cuir épais en deux, la feuille côté chair est appelée croûte de cuir (la feuille côté peau est la fleur et est la seule à pouvoir porter l'appellation "cuir").
Cuir gras
Cuir nourri contenant plus de 15% de d'huile.
Double
Semelle intermédiaire entre la première de montage et la semelle d'usure, utilisée surtout sur les Derbys par essence rustiques.
Doublure
Doublure de cuir en "veau blanc" (peau tannée au chrome sans pigment, pour être lisse et agréable au toucher) collée (lors de l'apprêtage) et piquée (cousue) à l'intérieur de la tige.
Embauchoir
Forme articulée en bois à introduire dans une chaussure encore humide et chaude (après une journée de marche, par exemple) pour la retendre et la faire sécher sans plis.
Empeigne (ou claque)
Partie avant de la tige (sur le dessus du pied).
Forme
Morceau de bois à la forme de la chaussure sur laquelle la tige est affichée pour en prendre la forme (en mesure seulement) pendant environ 48h.
Garants
Partie des quartiers recevant les oeillets (trous des lacets).
Humeur (en)
Comme c'est dit plus bas dans cette page (embauchoirs) le cuir est principalement constitué de collagène emprisonné dans des fibres. Lorsqu'il est humide, le collagène gonfle et perd ses caractéristiques mécaniques (les fibres ne sont plus collées entre elles car le collagène est "dissout"). Le cuir est alors dit "en humeur" : il est gonflé, mou et peut être étiré à ou plié à souhait. Lorsqu'il sèche, le collagène perd en volume et reprend en consistance, en maintenant les fibres dans la forme où elles sont lors du séchage, d'où l'intérêt de mettre des embauchoirs tant que le cuir est légèrement humide (transpiration) et le laisser sécher sur une bonne forme (en évitant les plis).
Lors de la fabrication d'une chaussure mesure, les bouts-durs, contreforts, trépointe, bonbouts, sous-bouts sont mis en humeur, ainsi que la première de montage, pour qu'elle puisse être travaillée (pour sculpter le mur, notamment).
Lisse
Partie verticale de la semelle.
Patronnage
Disposition des patrons sur le box (peausserie à tige).
Plis d'aisance
Plis qui se forment sur l'empeigne lorsqu'on plie le pied. Les plis marquent plus ou moins suivant la qualité et l'épaisseur du cuir.
Pointure anglaise
La différence entre deux pointures anglaises est de 8,46 millimètres. L'écart étant plus important que pour les pointures françaises, il y a plus souvent recours aux demi-pointures. Le 8 correspond à du 42 en pointure française.
Pointure française
Chaque unité correspondà 2/3 de centimètre (6,666666 millimètres). La pointure française est donc plus précise que la pointure anglaise. Le 42 correspond à du 8 en pointure anglaise.
Première de montage
"Semelle" intérieure sur laquelle vient s'assembler la tige et la trépointe par la couture de trépointe et sur laquelle repose le pied. Souvent, une première "de propreté" très fine vient recouvrir la première de montage. La première de montage est la pièce de cuir sur laquelle tout le reste vient se greffer, et qu'on place donc en premier pour monter la chaussure, d'où son nom.
Première de propreté
Doublure fine en "veau blanc" (cuir souple, tanné au chrome pour être doux), plaçée sur la première de montage. Il est conseillé de soulever la première de propreté pour s'assurer qu'on n'a pas affaire à un cousu rapide/blake (dont les points à l'intérieur de la chaussure sur les côtés auraient pu être dissimulés par la première de propreté).
Prêtant
Le cuir est un matériau constitué de fibres orientées, lui donnant des caractéristiques différentes suivant le sens dans lequel on exerce des contraintes mécaniques. Si le travail est bien effectué, on orientera la pièce de cuir constituant l'empeigne de telle manière qu'elle puisse s'étirer plus dans le sens de la largeur de la chaussure que dans le sens de la longueur. Cela a deux effets principaux. Les fibres étant orientées longitudinalement par rapport à la chaussure, la tige est plus résistante aux plis d'aisance (alors perpendiculaires aux fibres). Deuxième effet : une tige pourra s'élargir pour prendre la forme de la largeur du pied (mais elle ne pourra pas s'allonger). C'est le prêtant. Conséquence : ne jamais acheter une chaussure trop courte (où les orteils touchent le bout dur de la chaussure). En revanche, on pourra choisir une chaussure souple (un mocassin) un peu serrée en largeur (surtout si l'on va au magasin le soir avec les pieds gonflés), en comptant sur le prêtant pour qu'elle prenne la forme du pied (et du petit orteil).
Quartiers
Partie arrière de la tige, qui enveloppe le talon et qui revient sur le cou de pied pour former les garants.
Semelle d'usure (ou semelle de marche)
Semelle en contact avec le sol.
Sous-bouts
Épaisseurs de cuir formant le talon. Souvent, un intercalaire en caoutchouc est ajouté, pour ajouter de la souplesse au talon.
Tige
Il s'agit de la partie supérieure de la chaussure (empeigne + quartiers), qui doit être assemblée à la semelle pour obtenir une chaussure complète.
Trépointe
Bande de cuir cousue d'une part à la tige et au mur gravé dans la première de montage par une couture horizontale invisible, et cousue à la semelle d'usure par une couture petit-point.

Vidéos de la réalisation d'une paire de chaussures

Dans les merveilles d'Internet et Youtube, Kane (l'un des modérateurs de Depiedencap) a déniché ces quatre vidéos, montrant la réalisation d'une chaussure faite main en cousu trépointe : partie 1, partie 2, partie 3 et partie 4.

Choix d'une paire de souliers pour homme

Ce n'est pas bien sorcier, car après des milliers d'années d'évolution, seuls quelques types de chaussures ont survécu, dont les principaux sont : les Richelieux (aussi appelés Oxford en anglais) les Derby, les mocassins et les bottines (et chukkas).

Quelques petites choses à savoir au moment de l'achat

Période de la journée pour aller acheter des chaussures

Tout d'abord, idéalement, il vaut mieux aller acheter une paire lorsque vous avez des pieds peu gonflés. En effet, il faut savoir que le cuir, ça se détend (plus dans un sens que dans l'autre : c'est le prêtant). Si le patronnage a été bien fait (= pas chez un gougnafier qui maximise le rendement et sa marge), le prêtant est positionné en largeur, ce qui signifie que la tige pourra s'élargir, pour notamment prendre la forme du pied (et de son petit orteil éventuellement un peu proéminent) avec le temps. Attention : ne pas compter sur un élargissement du bout dur tout de même. Le bout dur est dur, et il n'y a pas d'espoir dans cette zone là. S'il s'agit d'un mocassin (avec un plateau), il n'y a pas de bout dur et les flancs seront plus verticaux qu'un richelieu, et ils pourront s'écarter (lire s'avachir ;-) plus facilement. En revanche, des souliers ne s'allongent pas (pas de prêtant dans ce sens, et là aussi, le bout dur est normalement bien dur, donc pas d'espoir de ce côté, mais ça vaut aussi pour des mocassins qui n'ont pas vraiment de bout dur). Enfin, le cuir n'a pas une tendance naturelle à se retendre (mais plutôt à se détendre, surtout lorsqu'on lui fait subir des tensions mécaniques liées à la marche). La conclusion, c'est que :
  1. Il ne faut jamais acheter des chaussures trop petites en longueur.
  2. Tant qu'à faire, il faut aller acheter ses chaussures le matin, quand on a des pieds pas trop gonflés. Enfin, il faut moduler la notion de "matin" : pour la plupart, il s'agit du matin, avant une journée debout (qui fait affluer le sang vers les pieds). Mais apparemment, certains se réveillent avec les pieds bouffis, auquel cas il faudra choisir une autre période de la journée.
    Si les chaussures vous vont bien alors que vous êtes chez le marchand à un moment où vous avez les pieds fins, c'est parfait car grâce au prêtant, à l'humidité de la transpiration et après plusieurs dizaines de port, elles vont légèrement s'élargir pour prendre la forme du pied en largeur. C'est l'idéal.
    Mais si les chaussures serrent le matin, c'est mal parti car elles serreront encore plus le soir, et le prêtant ne sera peut-être pas suffisant pour récupérer la largeur qui n'y est pas. Il sera alors peut-être possible de les faire écarter par un cordonnier, qui, après avoir mis le cuir "en humeur", pourra les élargir de quelques millimètres...
  3. Si vous achetez des chaussures qui vous vont bien le soir, alors, elles seront probablement trop larges, car a) le matin, votre pied sera plus petit, et b) du fait du prêtant elles auront tendance à s'élargir encore plus au fur et à mesure des ports, et vous finirez par flotter dedans (tout en créant, de surcroît, de disgrâcieux plis d'aisance). Donc, si vous y allez le soir, vous pouvez vous permettre de prendre des chaussures qui serrent un peu.
  4. Si vous achetez des mocassins (des vrais, avec un plateau large et des flancs assez verticaux) ils pourront s'écarter beaucoup plus que des Derby ou des Richelieux, donc ne pas hésiter à y aller le matin, et ne surtout pas flotter dedans (mais n'oubliez pas qu'ils ne s'allongeront pas, quelque soit ce que vous dit le marchand...).

Se donner des priorités

Encore une fois, n'oublions pas que le rôle premier des chaussures, c'est pas de les mettre en vitrine (sauf peut-être pour certains adorateurs ou fétichistes). En ce qui me concerne, j'ai l'idée aussi sotte que grenue de vouloir aussi m'en servir pour marcher... Mes priorités (personnelles) en matière de chaussures sont donc les suivantes :
  1. Ca doit permettre de marcher sans tomber, et donc, je n'hésite pas à mettre :
    1. Des fers encastrés au bout (pour préserver la trépointe : ATTENTION ! JAMAIS DE FERS AU TALON).
    2. Des patin en crêpe (pas des Topy) pour préserver la semelle et avoir une adhérence de chaussure moderne.
    3. Des bonbouts en caoutchouc.
    On voit le résultat sur les photos ci-dessous... Concernant les deux derniers points, je trouve totalement ridicule de se casser la figure avec des chaussures à 500 euros rien que pour le "plaisir" d'avoir des semelles en cuir ! Pour moi, à ce prix, je veux des chaussures "au top", c'est à dire durables, confortables et avec lesquelles je peux marcher sur un sol glissant sans avoir la peur au ventre (mais c'est un avis personnel).
  2. Ca doit pas trop faire mal aux pieds (en tout cas plus après 6 mois), donc, je donne une priorité au chaussant. Il faut que les chaussures conviennent à mon pied.
  3. Autre idée bizarre : j'aime pouvoir marcher dehors avec (dans la rue, pas dans la gadoue, restons raisonnables :-) même si le trottoir est mouillé, ou pire : s'il pleut (et sans avoir à attacher des sacs poubelle autour des chaussures comme certains que je connais :-), car pour moi, au point de vue look, ça le fait pas...).
  4. Si je mets 500 euros dedans, je veux que ça tienne au moins 10 ans avec un entretien correct (20 ans, c'est mieux).
  5. Une fois que ces 4 points sont remplis, je choisis le look parmi ce qui reste, et je ne peux donc pas raisonnablement choisir du Rapide/Blake (ou pire : du soudé), ni du cuir en peau de rat.
Disons que si j'avais un budget illimité, le point 5 remonterait peut-être en 4, voire en 3, mais tout de même, des chaussures à usage unique, c'est vraiment pour les richissimes...

Maintenant, après achat de chaussures neuves ou ressemelage, je fais systématiquement poser un bonbout en caouthouc, un patin crêpe et un fer encastré vissé. Ça coûte entre 40 et 50 euros, c'est totalement invisible et ça permet de ne pas glisser. Le fer à l'avant (totalement silencieux, sauf à marcher sur la pointe des pieds) est posé pour protéger la trépointe. Attention : il faut attendre au moins une dizaine de ports avant de faire encastrer le fer.

Attention ! Ne jamais faire poser de fers à l'arrière (même si le cordonnier vous invite à le faire). Ça glisse beaucoup, ça fait du bruit et surtout, à la longue, cela peut avoir des répercussions sur votre colonne vertébrale. Lorsqu'il est usé, le bonbout en caoutchouc est une pièce qui se change facilement (plus facilement que votre dos) moyennant quelques euros... Les cordonniers qui vous proposent des fers à l'arrière ne connaissent pas leur métier : fuyez-les.


Bottines Emling avant et après pose de bonbout, patins "crêpe" et fers. Le tout est totalement invisible, sauf à regarder sous la chaussure, et permet de ne pas faire de grands écarts sur chaussée glissante (bonbout), d'avoir une accroche digne d'une chaussure de sport (patins) tout en préservant la trépointe (fers encastrés).

Quelques informations sur le montage (essentiel à mon avis pour acheter en connaissance de cause)

Il existe plusieurs façons de solidariser la tige et la semelle (qu'on appelle montage). Les quatre principales sont le montage cousu trépointe (appelé Goodyear lorsqu'il est réalisé avec une machine inventée par Monsieur Goodyear au siècle dernier), le montage Norvégien (plus étanche est plus solide) et, d'une qualité inférieure, les montages Rapide/Blake (le "collé-ficelé" :-) et soudé (un Rapide/Blake, mais sans couture). Sur tous ces montages (sauf le montage collé qui n'a pas de couture), la couture de semelle sera logée au fond d'une gravure ouverte (mais dans ce cas, la couture n'est pas bien protégée de l'usure) ou refermée.


À gauche, gravure ouverte sur de vieux Richelieux St Michael's. Le problème est que la couture petit-point n'est pas protégée. Sur des chaussures de grande qualité, la gravure est refermée sur la couture, comme sur les Vass de droite. C'est difficile à croire, mais la couture a été faite sous une "gravure" faite dans la semelle, qui a été refermée après-coup.
Le seul résultat visible est un mince petit trait. La couture est bien protégée dessous.

Lors d'un ressemelage, les deux options sont possibles (mais généralement pas au même prix) :


Voici à gauche, la vue de dessous du ressemelage à 90 euros de la cordonnerie Gilles, qui pour ce prix effectue une gravure ouverte. On notera qu'après une dizaine de ports, il est intéressant de faire poser un patin crêpe sur une semelle à gravure ouverte, pour protéger la couture petit-point et la semelle de moindre qualité.
À droite, en payant un peu plus cher (115 euros, chez Dominique Barilero, 5 rue Amélie, Paris 7è), on peut avoir une gravure refermée pour un ressemelage de grande qualité (avec un cuir à semelle de grande qualité aussi). La photo présente la semelle après deux ports. Si vous voulez mettre un patin crêpe et surtout des fers encastrés et vissés à l'avant (comme sur la photo de gauche), il faut attendre une dizaine de ports pour que la semelle neuve se tasse. Éviter de marcher dans l'eau tant que la semelle n'est pas tassée.

Enfin, pour affiner la ligne, on arrondit le côté de la semelle (qu'on appelle la lisse) des chaussures de grande qualité pour obtenir des lisses rondes.


Le "nec plus ultra" ;-) des lisses rondes faites main sur Richelieu Vass, avec cousu trépointe sous gravure refermée (petit trait fin sur la partie claire de la semelle).

Qualité du cuir

Un cuir "plein" de qualité ne doit presque pas marquer, au niveau des plis d'aisance. Voici par exemple les Vass (qui étaient neuves sur les photos ci-dessus) après une trentaine de ports.


Les plis d'aisance sont pratiquement inexistants après une trentaine de ports (après mise sur embauchoirs). C'est le signe d'un cuir de très grande qualité. Les plis d'aisance mettront beaucoup plus longtemps à apparaître qu'avec un cuir "creux" (pris sur le flanc de la bête plutôt que sur le dos), garantissant ainsi une grande longévité.

Un cuir de bonne qualité ne doit pas "friser" lorsqu'on le comprime. l'idée est de prendre un morceau de cuir entre les deux pouces, et de repousser le cuir entre ses doigts. Un cuir qui "frise" est un cuir creux (il y a décollement des fibres entre la fleur et la chair). De même, sur les cuirs de grande qualité, on doit voir les pores de la peau, ce qui est le signe qu'elle n'a pas été corrigée par ponçage.


Détail de richelieu Vass. On note la qualité des coutures et le grain de la peau.

Au toucher, du cuir de qualité doit être à la fois résistant et souple.

Conseils généraux sur le bon usage de chaussures de qualité:

Entretien des semelles :

Enfin, pour finir, lors d'un ressemelage, on peut faire poser des semelles ``commando'' (mais pas en Vibram, qui est le Micro$oft de la semelle, et glisse sur le mouillé, cf. ces derby Vass Alt Wien, par exemple). A noter que les semelles Dainite s'usent très vite (caoutchouc tendre). Donc, si vous avez le choix, ni Vibram, ni Dainite.

Entretien d'une tige en cuir lisse (crêmage et cirage) :

Les chaussures doivent être sèches avant crêmage ou cirage. D'un point de vue général, tous les produits Avel (Saphir) sont excellents. Pour ceux qui n'habitent pas près d'un revendeur, la gamme complète est disponible notamment chez Valmour. Pour ne pas être trop partial, la Pâte de Luxe est dispo chez at-cuir-renovation (très sérieux et sympa !).

A Paris, plusieurs cordonniers et chausseurs revendent la ligne Médaille d'Or : Croquette et Jaune (14 Rue Chauveau Lagarde - 75008), L'Atelier d'Antoine (75 rue de Miromesnil - 75008), Lomain bottier (15/17 ave Ledru-Rollin - 75012), l'excellent bottier Dominique Barilero (5 rue Amélie - 75007) mais aussi probablement beaucoup d'autres... et le BHV, mais au 3ème étage et pas au rez-de-chaussée...

Glaçage :

Après avoir ciré une paire de souliers, on peut polir la cire parfaitement jusqu'à rendre la surface du soulier brillante comme... un miroir de bordel :-) (c'est l'expression utilisée par les bottiers). L'astuce pour arriver à ce résultat est de polir la cire avec un chiffon doux et une goutte d'eau. Du coup, on obtient une très bonne protection du cuir de la chaussure, lui évitant de se tacher, car peu de choses accrochent sur la couche de cire. Une autre conséquence est que la crême colorée ne teinte que très peu du cuir glacé, car la crême ne traverse pas le glaçage.
En fait, glacer du cuir s'apparente à faire un
vernis au tampon en ébénisterie. Pour du vernis au tampon, l'alcool est un lubrifiant qui s'évapore peu à peu, au fur et à mesure qu'on frotte. Lorsqu'il n'y a plus d'alcool, le vernis est parfaitement lisse et brillant. Lorsqu'il s'agit de glacer des souliers, on applique de la pâte que l'on polit ensuite parfaitement en utilisant de l'eau (quelques gouttes pas plus) comme lubrifiant. Lorsque l'eau s'est évaporée, la cire est brillante comme un miroir. C'est un petit coup de main à prendre, car il ne faut pas appuyer trop fort ni pas assez fort. Juste ce qu'il faut, surtout vers la fin du glaçage où il faut juste effleurer la peau.

Entretien annuel :

Certains conseillent de décirer la chaussure une fois par an, en frottant délicatement la chaussure avec un chiffon imbibé de térébenthine (le solvant du cirage) ou légèrement imbibé d'acétone (solvant puissant et dégraissant). Ensuite, crêmage (ou rénovateur à l'huile de vison si la chaussure a souffert) pour nourrir le cuir, puis cirage et glaçage, et c'est reparti pour un an...

Patinage artistique :

On rentre là dans le domaine de l'art et de l'expérience, et il faudrait dédier plusieurs pages à ce sujet.

La patine artificielle la plus simple à réaliser consiste, sur une chaussure claire, à foncer les endroits dont on ne veut pas qu'ils soient patinés avec de la crême de couleur plus foncée (ne pas oublier que la patine est censée simuler la décoloration due au frottement : les zones patinées sont donc normalement plus claires, et sur les parties convexes de la chaussure (bout, côté, quartiers)).

Partir de chaussures foncées est nettement moins simple, car il faut soit :

Quelque soit ce que l'on veut faire, dans les cas où l'on veut éclaircir ou modifier la couleur d'une partie de la chaussure, il faut commencer par enlever la couche de cire (cirage) à la térébenthine ou à l'acétone. Pour éviter les auréoles, il vaut mieux passer toute la chaussure à l'acétone, plutôt qu'uniquement la partie à éclaircir.

Voici un petit exemple personnel sur les bottines Emling achetées en soldes (cf. haut de la page) :


Bottines Emling neuves (la chaussure droite (à gauche) est glacée).
Sur la photo de droite, on voit la chaussure droite après décapage à l'acétone, en insistant sur les parties à éclaircir (au goût de chacun).

Si l'application de térébenthine ou d'acétone n'a pas déjà suffisamment éclairci la chaussure, appliquer de l'eau écarlate coupée d'un peu d'eau (non écarlate) ou de l'eau de javel diluée (plus agressif), en tamponnant, tout en essayant de ne pas trop abîmer la fleur. Ensuite, (très important) rincer très très abondamment à l'eau : s'il reste des traces de javel ou d'eau écarlate, le cuir continuera à blanchir, même après application de la patine.

Une fois le cuir suffisamment rincé et séché, ne pas passer de crême incolore :

Ne pas oublier de prendre la crême ou la teinture toujours plus claire que le résultat voulu. En ce qui concerne la teinture, il semble y avoir consensus sur la teinture Avel "aux drapeaux".

Après obtention de la patine désirée, cirage et glaçage. Facile, non ? Mais pour commencer, il vaut tout de même mieux s'entraîner avec une paire de chaussures ordinaires...

Sur les Emling décapées ci-dessus, j'ai passé de la crême rouge vif sur les parties éclaircies à l'acétone, et un mélange de crême noir/marron sur les parties foncées. Voici le résultat après glaçage (qui correspond à ce que je voulais, mais qui peut ne pas être du goût de tous) :


Résultat de la patine après glaçage... C'est une patine effectuée à la crême seulement (pas à la teinture).

Et voici donc la comparaison avant/après :


Résultat de la patine après glaçage... C'est une patine effectuée à la crême seulement (pas à la teinture).

Petite astuce pour garder des parties claires : si vous passez de la pâte uniformément sur les parties teintes à la crême, votre belle patine va disparaître, car la térébenthine présente dans la pâte va dissoudre la crême foncée, et l'emmener sur les parties claires. Résultat, vous aurez une belle chaussure bien homogène.

Pour conserver des parties claires (comme ci-dessus), il faut commencer par cirer et glacer les parties foncées uniquement. Le glaçage protègera la crême foncée de la térébenthine contenue dans la pâte, et dans un deuxième temps, vous pourrez glacer les parties claires, sans que la crême foncée ne vienne baver sur les parties claires.

Dans l'exemple ci-dessus, j'ai voulu conserver des frontières relativement franches pour affiner le bout par effet d'optique, en donnant l'impression visuelle que le bout droit est moins rond qu'il ne l'est réellement. Mais pour ceux qui veulent réaliser un beau dégradé, glacez dans un premier temps les parties les plus foncées, mais sans aller jusqu'au bord de la partie foncée. Dans un deuxième temps, glacer la frontière foncée/claire (mais sans mordre sur la partie bien claire) ce qui aura pour effet de créer un dégradé (grâce à la crême foncée qui bavera sur la frontière claire).

Dans un troisième temps, glacer les parties les plus claires (plus rien ne dégorgera dessus, car les parties foncées, et les dégradés seront déjà glacés.

Une fois que le glaçage est effectué, les crêmages ultérieurs n'auront qu'un effet très léger sur la teinte de la chaussure, car la protection réalisée par la cire glacée est très efficace : la crême teintée ne "prendra" pas sur le glaçage. L'implication est que, si vous n'êtes pas satisfaits du résultat après glaçage, il faudra à nouveau enlever le glaçage à l'acétone pour revenir au cuir non protégé, pour reteindre comme vous le désiriez, avant de glacer à nouveau.

Cuir gras :

Il s'agit du type de cuir qu'on trouve sur les chaussures "outdoor" devant résister aux intempéries (bottines Paraboot, Heschung, Hardrige (anciennement Trappeur), ...). Pour les vrais, les tatoués (motards, randonneurs ...), ce type de cuir s'entretien avec rien moins que de la graisse de phoque et périodiquement, de la crême colorée.

Pour les outdoormen des villes, un petit passage d'huile de vison ou d'huile de pied de boeuf redonnera un bon coup de jeune aux chaussures moins sollicitées. Une application à chaud permettra de mieux faire pénêtrer l'huile ou la graisse. Pour cela, après application avec un chiffon, il suffit de chauffer la chaussure au sèche-cheveux et essuyer le surplus. Attention : les huiles ont tendance à beaucoup détendre et assouplir le cuir, au point de le ramollir et de diminuer le maintien des chaussures de randonnée.

Nubuck, veau velours, "daim," ...

Le nubuck est du cuir, dont la fleur a été poncée pour obtenir un aspect velouté. Le veau velours est du cuir présenté côté chair. L'aspect du veau velours est plus grossier que celui du nubuck. Le "daim" n'est plus fait en daim depuis fort longtemps, et sert simplement à décrire le veau-velours ou le nubuck, lorsqu'on ne sait pas trop de quoi il s'agit...

Au contraire du cuir lisse, que l'on préfère patiné et (bien) vieilli, toutes ces finitions velours doivent garder leur apparence d'origine et l'aspect du neuf. Comme cette finition (souvent obtenue par ponçage) est plus poreuse que le cuir lisse, elle se tache facilement, et il est donc très important (dès l'achat) de commencer par imperméabiliser la chaussure avec une bombe, après l'avoir brossée à rebrousse poil (brossage toujours du bout vers les contreforts).

L'entretien journalier consiste à brosser les chaussures dans le sens des fibres. Si la chaussure est détrempée (après un orage, par exemple), l'essuyer dans le sens des fibres et laisser sécher sur embauchoirs (cf. ci-dessus). Lorsqu'elles sont vraiment encrassées, l'Omni-Nettoyant Saphir Médaille d'Or marche très bien.

Pour enlever les taches ou les zones lustrées et devenues brillantes par frottement, on peut utiliser une gomme spéciale nubuck, légèrement abrasive, qui décollera les fibres et permettra de récupérer la texture velours. Au début, la brosse crêpe est moins agressive que la gomme jusqu'à ce qu'elle chauffe. Après, sa consistance change et elle devient "collante."

Si la surface est vraiment très abîmée, on peut passer un petit coup de papier abrasif (240).

Enfin, il est possible de redonner de la couleur avec des sprays colorants.

Cuir verni

Là aussi, nettoyer avec un peu d'eau savonneuse est la chose la plus simple. Pour un entretien plus poussé, il faut des produits contenant de la lanoline (qui se trouve aussi en spray (faire attention car la lanoline peut causer des allergies)). Certains conseillent aussi du lait Nivéa ou du démaquillant, ou du lait Mixa Bébé (ou équivalent) mais je n'ai jamais essayé aucune de ces techniques... car je n'ai pas de souliers vernis ! Sinon, Avel fait du vernis ``RIFE'' en aérosol ou en liquide pour tous les cuirs vernis.

Laçage

Pour finir, voici un lien sur mille et une (en fait, 2 milliards de milliards) façons différentes de lacer ses chaussures. Ma préférence personnelle va pour le "Straight fashion lacing," en ramenant le problème à 4 oeillets pour les souliers 5 oeillets en m'autorisant une diagonale en haut (cachée par le double noeud (cf. ci-dessous) et le bas du pantalon.

Concernant le mystérieux "double" noeud (très utile si vos lacets cirés ont tendance à se défaire), suivez ce lien (trouvé par "Fabicheri", toujours sur Depiedencap) pour enfin voir une belle vidéo montrant comment le faire.

Merci encore à tous ceux qui ont eu la gentillesse de me fournir des photos que je ne pouvais pas faire moi-même (J.-M. O., E. Haffner, S. Dugué, A. Boniface, B. Zabriskie).


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